Je me bats pour l’indemnisation des victimes
En qualité d’avocat, j’ai prêté serment en 1973 et dans le début des années 80, était en débat la modification de la réparation des accidents de la circulation (loi Badinter) et la création d’une forme d’indemnisation des victimes d’infractions conformément à une directive européenne qui allait conduire à la création de la CIVI et, à Paris, de l’association Paris Aide aux Victimes.
Je me suis orienté vers ces nouvelles formes d’indemnisations des victimes : les enjeux portaient sur la notion de faute de la victime dans la loi Badinter et sur le plafond de l’indemnisation pour la réparation des victimes d’infractions qui était de 10 000 francs puis de 400 000 francs avant de devenir enfin intégrale en 1990.
J’étais alors membre du conseil d’administration de Paris Aide aux Victimes, du Bureau puis vice-président dans les années 90. Je me consacrais beaucoup à cette association.
A la création de la CIVI, son champ de compétences restait à préciser notamment pour les accidents de la circulation dont étaient victimes les Français à l’étranger ainsi que l’indemnisation des victimes d’accident du travail lorsqu’il y avait une infraction, la CIVI permettant à l’époque une réparation intégrale alors qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur la victime n’obtenait qu’une indemnisation limitée à certains postes et une majoration de sa rente.
C’est dans ce contexte que j’ai eu l’opportunité d’intervenir à l’occasion de la formation PAV du 14 décembre 1991, lors de la IIème journée des urgences médico-judiciaires du 18 juin 1993 relative à l’I.T.T. P. ainsi qu’à la première chambre de la Cour d’appel de Paris dans le cadre de la formation ENM sur la CIVI le 24 juin 1997.
S’agissant de l’indemnisation des victimes, j’ai par ailleurs participé en tant qu’intervenant au congrès mondial des enfants victimes, en novembre 1999, puis à l’occasion du colloque organisé par le PAV dont la thématique était « la victime et la sanction pénale », le 2 octobre 2001 puis dans le DU de victimologie de l’Université Paris V.
Dans les années 90 le débat concernant le droit commun de l’indemnisation portait essentiellement sur le recours des tiers payeurs et l’imputation de l’intégralité de la créance de la sécurité sociale sur l’indemnisation de la victime, hors préjudices qualifiés à l’époque de moraux.
Cette imputation sur notamment l’incapacité permanente partielle était considérée comme une injustice par les victimes et une partie de la doctrine.
C’est ainsi que la doctrine sur l’impulsion notamment de Madame Lambert-Faivre, la jurisprudence et les avocats, conseils de victimes, élaboraient la notion de préjudice fonctionnel d’agrément.
Cette notion permettait d’une certaine façon d’extraire le préjudice fonctionnel d’agrément de l’assiette du recours de la sécurité sociale. Cette jurisprudence était suivie par les cours d’appel de Paris, d’Aix-en-Provence … jusqu’à un arrêt de la Cour de cassation de 2004.
L’évolution de la prise en compte par la société de l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux allait conduire à la loi de 2002 dite Loi Kouchner. Cette loi, si elle facilite l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux et des maladies nosocomiales, ferme la porte à l’indemnisation des enfants victimes dont le handicap n’a pas été décelé durant la grossesse.
La Cour de cassation se voit donc violemment infirmée par le législateur. En effet, elle avait dans l’arrêt PERRUCHE indemnisé intégralement un enfant trisomique, victime d’une erreur d’interprétation des échographies durant le suivi de la grossesse de la mère.
La Cour de cassation va se montrer moins pro victime comme si cette décision avait mis un coup d’arrêt à l’évolution de sa jurisprudence. C’est ainsi qu’elle va réduire le champ de compétence de la CIVI en excluant les accidents du travail avec infraction de l’employeur (Cass. Civ. 2ème 7 mai 2003) et qu’elle censure les décisions des cours d’appel qui appliquaient la notion de préjudice fonctionnel d’agrément pour résoudre l’iniquité du recours des tiers payeurs.
Cette période verra se développer trois axes majeurs en faveur d’une indemnisation plus juste des victimes : le premier sur les postes de préjudice à indemniser, le second sur l’indemnisation des victimes d’accident du travail avec faute inexcusable de l’employeur et le troisième sur le recours des tiers payeurs.
La doctrine, sous l’impulsion de Madame Lambert Faivre, de Monsieur Dintilhac et de l’ANADAVI, va s’efforcer de rendre plus juste et plus proche de la réalité la réparation de la complexité des perturbations apportées dans la vie des victimes.
Cette recherche conduira, à la suite d’un rapport de juillet 2005, à la création de la nomenclature Dintilhac.
La situation profondément injuste dans laquelle se trouvent les victimes d’accidents du travail en présence d’une faute de l’employeur va conduire à une QPC et à une décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 qui, par une réserve d’interprétation portant sur les dommages non couverts par le livre IV du CSS, ouvre un débat vif sur l’interprétation du terme « couvert ». En effet, si on adopte une interprétation extensive celle-ci peut conduire à une réparation intégrale en permettant de compléter les postes couverts partiellement par le livre IV du CSS.
Malheureusement, ce ne fut pas le choix de la Cour de Cassation dans sa décision de 2012. Elle refuse une indemnisation complémentaire des postes visés par le livre IV du CSS censurant ainsi les décisions de nombreuse cour d’appel considérant probablement qu’il appartient au législateur d’apporter une solution à cette difficulté.
En 2003, un groupe de travail présidé par Madame Lambert Faivre avait pour objet de résoudre la difficile question du recours des tiers payeurs.
Les propositions de cette Commission porteront sur le droit de préférence de la victime ainsi que la nécessité pour les caisses d’établir la preuve du versement effectif et préalable des prestations indemnisant de façon incontestable un préjudice non économique et personnel.
La nomenclature n’ayant jamais eu pour vocation d’être limitative, on a assisté, au cours des dernières années, à la créativité des praticiens et l’émergence de nouveaux préjudices (préjudice d’angoisse de mort imminente, préjudice spécifique de contamination, préjudice d’impréparation…).
L’évolution de l’indemnisation des victimes suit un cours positif, l’indemnisation s’améliorant avec l’implication des praticiens de la doctrine et de la jurisprudence, mais demeure une insatisfaction au regard de l’indemnisation totalement injuste des accidents du travail avec faute inexcusable de l’employeur.
Il appartiendra aux différents acteurs de la réparation de faire disparaitre cette profonde injustice.
Mon activité professionnelle s’est orientée naturellement et de manière continue, depuis les années 85, vers le domaine de la réparation du préjudice corporel et c’est la raison pour laquelle la spécialisation
d’avocat en « DROIT DU DOMMAGE CORPOREL » m’a été reconnue.